samedi 1 mars 2008

lundi 25 février 2008

La Fondation Barnes
















La Fondation Barnes est un musée fondé par un médecin entrepreneur fortuné issu des quartiers pauvres de Philadelphie. Très préoccupé par le progrès social et l'égalité entre les hommes quelque soit leur couleur de peau, Barnes a étudié la psychologie, la philosophie et l'art afin de formuler sa propre théorie de l'éducation. Il réduisit le temps de travail de ses ouvriers afin de leur permettre de participer à des groupes de discussion sur les oeuvres qu'il venait d'acquérir. Son désir de faire acceder tous les hommes à l'éducation sans discrimination conduisit à la création de sa fondation en 1922. Le philosophe John Dewey, un ami proche, fut le premier directeur des services éducatifs.
Le bâtiment, dessiné par l'architecte Paul Cret, est entouré d'un vaste arboretum qui sert aussi des visées éducatives. L'ensemble est situé à Merion, banlieue extrêmement aisée de Philadelphie. Sur le trajet entre la gare et la fondation se trouvent de magnifiques maisons en pierre, ainsi que quelques panneaux revendicatifs "The Barnes belongs to Merion". Pour visiter la fondation, il faut réserver son billet d'entrée en avance (soi-disant un mois, mais je l'ai acheté trois jours avant). Bien avant de gagner le musée, nous avons conscience d'arriver dans un endroit plutôt élitiste.
De fait, les autres visiteurs ne ressemblent en rien à la foule habituelle des musées. Plutôt âgés, bien habillés, une connivence semblent les lier. Ils viennent de Philadelphie, et ne sont pas des touristes. Leurs murmures feutrés me donnent l'impression d'être dans un cocktail mondain...et de fait, la platitude de leurs commentaires devant les oeuvres - "It's amazing!" - prouve que visiter la Fondation Barnes n'est pas motivé par un désir sincère de découverte, mais s'apparente à un signe extérieur de richesse. Devant un Soutine, une conférencière s'exclame bruyament devant un public passionné : "Devinez combien Barnes l'a payé? 25$!!".
La Fondation est un ensemble très eclectique. La salle principale donne le ton: une fresque de Matisse (la Danse) s'étale sur les arcades du mur du fond. Ses bleus, roses et noirs et son trait très moderne jurent avec les Renoir ringards qui reviennent comme un leitmotiv dans chaque salle du musée. La présentation actuelle des oeuvres est tellement surprenante qu'elle reflète sans doute les ultimes désirs de Barnes. Les tableaux sont présentés sans logique apparente, en même temps que de nombreux coffres en bois peints, des chaises rustiques très banales, et des objets de ferronerie - dont une pince à bétel mystérieusement accrochée parmi des Matisse et des serrures médiévales. Cet accrochage reflète la volonté de Barnes de supprimer la frontière entre art populaire et art savant. La les salles d'exposition comme la librairie sont dénués de texte, donc nous n'en saurons pas plus (pour le moment).

dimanche 24 février 2008

Exposition Frida Kahlo à Philadelphie






Au Musée de Philadelphie est présentée en ce moment une exposition sur Frida Kahlo, qui voyage depuis le Walker Art Center de Minneapolis. On y voit des peintures, des photographies de l'artiste et de son entourage ainsi que des objets aztèques ayant appartenus à Kahlo. Le parti pris est chronologique, et quelques panneaux explicatifs informent le visiteur de la tranche biographique à laquelle rattacher tel ensemble de peintures. L'audio-guide est scandaleusement mauvais, n'analysant les oeuvres qu'à l'aide de quelques éléments biographiques et psychologiques - son désir d'enfant, les trahisons de Diego Rivera, la rencontre avec Breton, ses souffrances physiques...Donc une exposition vraiment pas décoiffante, apparemment destinée à un public pas très curieux. Je dirais que la salle la plus intéressante de l'expo est le "gift shop". On y trouve tout: les bijoux et les robes de Frida, des cartes postales hologrammes, des tissus mexicains, des porte-clefs têtes de mort, des posters, bref des gadgets en nombre infini. Très chers. Pas beaucoup de livres. Je n'ai pas eu le droit de prendre de photos.

Philadelphia Museum of Art






Le Musée d'art de Philadelphie se trouve dans un grand complexe de massifs bâtiments néo-classiques. La frise de style grecque qui orne le bâtiment annexe, en relief et en couleurs, est d'un kisth dément. Le musée présente des collections qui s'étendent de l'antiquité à l'art moderne, sans limites géographiques.
Au rez-de-chaussée se trouve l'aile américaine qui présente un mic-mac de meubles de style Louis XV de seconde main, des ustensiles de cuisine, des peintures un peu maladroites des riches notables du XVIIe siècle de la côte Est, et celle célébrant le passé de Philly - ville de la liberté où fut signé la déclaration d'indépendance. Elle voisine l'aile consacrée à l'art moderne, dont à mon avis les pièces les plus extraordinaires sont celles de Marcel Duchamp, exposées dans la galerie Boulton Stroud/ Rrose Sélavy (la double féminin de l'artiste - Eros c'est la vie). On y voit les deux oeuvres dont les artistes contemporains reconnaissent l'influence, Le Grand Verre et Etant Donnés. Le Grand Verre consiste en deux grandes plaques de verre entre lesquelles se trouvent des figures en vitrail représentant des mécanismes mystérieux ou encore "La mariée mise à nue par les célibataires, même" (d'après le sous-titre de l'oeuvre). Oeuvre énigmatique s'il en est, qui ne va pas sans sa valise de manuscrits explicatifs édités par Duchamp en tirage limité. Etant Donnés est un dispositif de voyeur. Le visiteur est invité à s'approcher d'une grosse porte en bois rustique. A travers deux trous, il distingue le corps - mort? - d'une jeune femme se tenant nue, étendue, les jambes écartées. A l'arrière plan, un mécanisme anime des fontaines riantes. J'avais beaucoup lu sur cette oeuvre mais je ne soupçonnais pas sa grande violence. J'ai aussi aimé les décores muraux de Sol Le Witt, qui redonnent sens à une architecture un peu ratée, et la salle dédiée aux peintures de l'Odyssée de Cy Twombly. A l'étage, la collection d'oeuvres européennes anciennes et d'art asiatique m'a scotchée. On y trouve un cloître roman (enlevé de France et reconstruit, selon la même stratégie que les Cloisters), des linteaux sculptés, des plafonds Renaissance, des cheminées, l'intérieur d'une salle de l'hôtel de Lauzun reconstituée, un salon dessiné par Robert Adam pour un intérieur anglais...Le tout intégré le plus harmonieusement possible aux galeries du musée. Mais un oeil européen ne peut s'empêcher de trouver l'effet un peu grotesque, et de méditer sur le dénuement culturel dans lequel se sentent les Américains, ainsi que sur les miracles accomplis par l'argent. Cependant, j'étais complètement baba devant les temples indiens et chinois présentés au même étage. Ce sont quand même des moyens de connaître physiquement des civilisations disparues ou lointaines, et j'admire l'extravagance toute américaine le musée de Philadelphie remplit sa mission éducative.

Tragedy at Northern Illinois University



Depuis ma fenêtre, je vois le drapeau américain en berne devant le bâtiment administratif de l'université. La présidente de l'université, Karen Lawrence, en a décidé ainsi pour rendre hommage aux victimes de la tuerie de l'université de l'Illinois du Nord. Elle lui a également envoyé ses condoléances au nom de l'université, et mis en place un soutien d'aide psychologique pour les étudiants de Sarah Lawrence (accessible uniquement sur rdv le mardi et vendredi entre 14h et 15h30...). Dans un mail, elle rappelle qu'après l'accident de Virginia Tech, Sarah Lawrence a revu ses procédures de sécurité. Elle recommande de s'inscire dans le fichier pour être prévenu en cas d'alerte. Comme je suis un alien ici, je n'arrive pas à m'inscrire dans le système. Je suis pourtant préoccupée, et plus que jamais abasourdie par les droits et restrictions imposées aux jeunes Américains: pas le droit de boire de l'alcool avant 21 ans (dans la plupart des Etats), ce qui génère des excès délirants; en conséquence, le droit de conduire à partir de 16 ans, et je peux vous dire que tous conduisent extrêmement mal; le droit de se posséder une arme à feu sans aucune restriction, en vertu du deuxième amendement de la Constitution. Et tous ces étudiants abandonnés dans des campus perdus dans les vastes plaines des Etats-Unis doivent faire avec ces interdictions et libertés contradictoires...